Édito
Les Scènes nationales ont trente ans, un âge pivot. Trente ans, c’est à la fois une courte durée pour mesurer l’impact d’une politique culturelle et à la fois l’occasion de se retourner sur notre histoire, d’en considérer l’héritage pour mieux nous projeter dans l’avenir.
Le réseau des Scènes nationales est une spécificité française. Elles sont 77 réparties sur l’hexagone et aux Antilles, elles maillent notre pays et sont le fruit volontariste d’une politique culturelle décentralisée. Elles sont nationales dans leur territoire et le représentent au niveau national. Il est fascinant d’assister à l’une des réunions de l’association pour pouvoir, en quelques heures, prendre le pouls de la France, des problématiques qui traversent les villes, campagnes, banlieues et métropoles… Notre rôle est essentiel pour tisser inlassablement des liens et pour tendre à ce que moins de récits ne manquent à notre patrimoine, notamment ceux des invisibles.
Les Scènes nationales sont les lieux où se mènent des projets artistiques et culturels singuliers portés par leurs directrices et directeurs, qui ne sont, pour la plupart, pas des artistes. Ces projets sont élaborés par eux en fonction du contexte et de l’environnement qui entoure chaque scène, de son histoire et du dialogue noué avec les collectivités territoriales et l’État qui les financent.
Elles font face à plusieurs défis dans une société en pleine transformation.
Elles sont l’articulation entre les artistes et les habitants, la vie locale et le monde qu’elles accueillent. Elles aspirent à être des lieux de fabrication du commun dans une société morcelée, à être des lieux refuges pour permettre aux artistes de créer, des lieux de pensée, d’émotions et de découvertes pour tous, s’éloignant des logiques de consommation culturelle de plus en plus prégnantes sur les écrans du quotidien.
Elles ont toutes une programmation pluridisciplinaire avec des spécificités, un savoir-faire riche en matière d’éducation artistique et culturelle qui s’appuie sur une connaissance de leur territoire et la relation établie avec de multiples partenaires. Elles développent une capacité d’invention et d’expérimentations pour de nouveaux usages de leur lieu.
Cette multiplicité des Scènes nationales est une force du réseau qui est un véritable creuset de ressources et d’expertises variées. Ce peut être aussi une fragilité, car cette belle complexité nuit parfois à notre visibilité.
Le réseau a montré dans la crise que nous venons de traverser, sa solidarité, sa capacité à trouver de nouvelles modalités d’action. Mise à l’épreuve, la conviction dans l’utilité de nos missions, celles d’un service public de l’art et de la culture, partout et par tous, se trouve renforcée.
Ainsi, forts de notre histoire, fiers d’avoir tenu le coup et conscients que comme toute la société, notre modèle se transforme et intègre de nouveaux paradigmes, nous nous projetons dans l’avenir. Notre pensée s’articule sur la durabilité de notre réseau et notre crainte parfois qu’il ne puisse plus, pour des questions budgétaires, être à la hauteur de ses missions.
Ces quelques pages en témoignent, reflet de nos convictions et valeurs partagées, de nos discussions et désaccords féconds, de nos inquiétudes et enthousiasmes.