Stéphane Roth est directeur et programmateur du festival Musica, festival international de musiques d’aujourd’hui, qui aura lieu du 17 septembre au 3 octobre dans divers lieux de Strasbourg.
Nous l’avons rencontré pour discuter de son parcours, ses envies et ses intentions pour le festival Musica, créé en 1983 et dont il a repris les rênes en 2019.
Etudiant en musicologie et en histoire de l’art à Strasbourg à partir de 2001, il se destinait à devenir guitariste professionnel, et pratiquait le saxophone et la guitare.
Stéphane Roth travaille ensuite pour Harmonia Mundi, puis devient directeur éditorial de la Cité de la musique / Philharmonie de Paris.
Il nous raconte sa rencontre avec le festival Musica et sa découverte des musiques dites contemporaines, ou musiques créatives.
Est-ce que la distinction musiques contemporaines / musiques actuelles est encore pertinente ? Quelles origines, financières, politiques, peut-on trouver à ces cloisonnements ?
Les contextes d’enseignement, de réception et de diffusion varient beaucoup entre les secteurs dits des « musiques actuelles » et des « musiques contemporaines », tout comme la musique classique occupe une place bien distincte dans le paysage culturel français. Quelle perception Stéphane Roth a-t-il de ces catégories ?
« Il faut requestionner la façon dont on a cloisonné »
« Musiques actuelles, musique classique, musique contemporaine … je pense qu’elles sont dangereuses, ces catégories »
Ces catégories existent aujourd’hui car elles sont le fruit de diverses politiques culturelles, datant des années 1970 et 1980.
Ces années ont vu l’apparition de différents dispositifs destinés à soutenir la musique, mais a provoqué aussi leur cloisonnement.
« On a un peu refondé des frontières parce qu’on en avait les moyens »
Pourtant, depuis les années 2000 et la popularisation d’internet, les usages des auditeurs de musique ont grandement changé.
Les contextes d’écoute et de réception, les contextes de création et de diffusion ont radicalement changé.
Comment reconstruire des modèles viables pour les musiciens, compositeurs et interprètes ?
« On a catégorisé [les musiques] plutôt sous l’angle des modes de production. Si on le voyait sous l’angle de la réception, quel modèle on construirait ? »
De la précarité des artistes (musiciens et compositeurs) de la musique contemporaine
« Je crois qu’aujourd’hui aucun [compositeur] ne vit des droits qu’il reçoit de la SACEM – hormis peut-être des gens qui évoluent dans des domaines très spécifiques comme la musique de films »
Malgré la mise en place de sociétés de répartition des droits d’auteur, la situation de la plupart des compositeurs de musique, mais aussi celle de beaucoup de musiciens interprètes, reste dramatique. Quelle analyse Stéphane Roth fait-il de cette situation ? Et quelles solutions pourraient être inventées aujourd’hui ?
Comment la programmation du festival Musica poursuit-elle cette démarche de soutien aux artistes et à la création musicale contemporaine ?
« C’est une situation extrêmement précaire, les compositeurs ne vivent que sur les commandes »
Le festival Mini Musica, du 24 au 27 septembre
« Mini Musica, c’est un festival dans le festival qui s’adresse aux enfants […] C’est une première dans le monde de la musique contemporaine »
Pourquoi avoir voulu créer ce festival dédié aux enfants ? Comment construit-on un concert à destination des jeunes publics ?
Comment accompagner les artistes dans cette démarche, face à un public inhabituel, plus jeune, mais aussi avec « moins d’oeillères aux oreilles » ?
« Je crois que c’est la cause la plus noble de travailler pour les jeunes »
La clôture du festival Musica, mettant à l’honneur la scène locale
« Pendant le confinement, on s’est très vite rendu compte que la situation allait être difficile pour le monde de la musique pendant longtemps. »
Stéphane Roth invite, pour la clôture du festival, une douzaine de formations musicales strasbourgeoises. Comment et pourquoi avoir fait ce choix ?
« Il faut aussi voir que Strasbourg a une situation très particulière pour la musique contemporaine, on peut dire que ça en est la capitale en France, voire une des capitales en Europe »
Un leitmotiv : provoquer des rencontres, des croisements, des « franchissements »
De l’histoire musicale de Strasbourg, à la présence de nombreux espaces de représentation, théâtres, scènes, qui accueilleront certains des concerts du festival Musica, Stéphane Roth a choisi de construire avec ce contexte particulier une programmation répartie dans de nombreux lieux.
« Il y a toute une histoire du théâtre musical dans la musique contemporaine, [et] le théâtre c’est le lieu politique : c’est le lieu de l’assemblée, c’est le modèle de notre politique »
« Musica doit être ce festival qui permet tous les franchissements »
« je pense qu’on doit … non pas faire la révolution, non pas brutaliser les codes, les conventions, mais introduire du jeu dedans, et les faire bouger, les faire vaciller, lentement »
Interview réalisée par Maylis Cerbelaud
photo © Christophe Urbain