Découvrez et consultez le programme de la saison 2024/2025 du TNS

Edito

Quand serons-nous enfin réuni·es?

Quand Hatice Özer est venue présenter son spectacle Le Chant du père au TnS, elle est allée faire le tour des kebabs de Strasbourg pour trouver du public. Elle m’a dit : «Je ne pouvais pas m’imaginer jouer ce spectacle sans que dans la salle il y ait des turcophones». La plupart des artistes qui sont dans cette saison ont cette préoccupation chevillée au corps : à qui vais-je m’adresser ? Car c’est au cœur de cette question que leur geste artistique trouve sa nécessité. Qui sera dans nos salles? C’est une question vieille comme le monde, mais aujourd’hui, les réponses sont différentes, car les artistes ne dissocient plus : il n’y a pas le public d’un côté et le geste artistique de l’autre, il n’y a plus la sacralisation de nos plateaux et le public instruit qui regarde. Il y a une vision de part et d’autre. Car évidemment, on la sent la question qui brûle : quand serons-nous enfin réuni·es? Ce lieu, ce théâtre, qui prend place dans notre société comme un besoin inconditionnel, à qui est-il destiné? Aux créateur·rices, au public qui l’aime et qui l’habite, et à toutes celles et ceux qui ne l’ont pas encore rencontré. Alors, cher public, cher·e amoureux·se de longue date, dis à celles et ceux qui n’y sont pas qu’ici nous les cherchons. Dis à celles et ceux qui n’y sont pas qu’il n’est pas improbable qu’ici nous parlions les langues de leur enfance, et que par tous les moyens nous tenterons d’être à la hauteur de leur première fois. Et que ça, ce sera une fête pour nous de les recevoir, car ici est un lieu que nous avons en commun, un lieu qui n’a de sens que si nous le partageons, vraiment. Alors à celles et ceux qui le découvrent maintenant, et à celles et ceux qui y arriveront plus tard, les équipes du TnS vous présentent cette saison 24-25 avec l’émotion d’un fol espoir.

Aux côtés de notre atelier de construction de décors et de notre atelier de costumes, nous avons créé le Centre des Récits. Le Centre des Récits, c’est une banque d’archives autant qu’un refuge pour les histoires souvent tues ou ignorées, les «nouveaux récits » comme ceux menacés de disparaître. Il permet aux artistes d’être soutenu·es, dès le début de leur processus de création, dans leur recherche et leur besoin d’expertise du réel. Comment archiver et documenter ce qui n’est pas encore raconté ?
Nous voulons, avec les artistes, avec ces «expert·es du réel» – peut-être vous? –, créer des collections de récits pour une dramaturgie du vivant, une écriture partagée capable d’irriguer nos fictions et de constituer, grâce au théâtre, par le théâtre, une mémoire collective. Les artistes de cette saison 24-25 dont vous allez découvrir les spectacles ont cette nécessité, cette urgence de raconter : leurs histoires comptent, elles sont importantes et il est temps qu’elles soient défendues sur nos scènes. L’amour entre Serena et Chess raconté par Kae Tempest, la rage vitale des mots de Laurène Marx, les mille vies de Cécile, la revanche des femmes et des hommes de Los días afuera, celle éclatante de Marvin M’toumo, le combat d’Ahmed Tobasi pour tout changer, l’or et le talent dans les mains des personnages de LACRIMA : cet irrépressible besoin de raconter et d’écouter des histoires, nous l’accueillons et nous l’archivons.

Les Galas

À chaque printemps, nous vous invitons pour dix jours de fête et de création au cœur de la programmation avec un festival que nous avons appelé les Galas. Dans tous les lieux du TnS, les Galas rassemblent des artistes qui – par nécessité artistique et besoin esthétique – ont créé leurs spectacles avec des personnes dont les trajectoires de vie n’ont pas encore rencontré nos plateaux. Nous avons imaginé trois troupes embrassant tous les quartiers de Strasbourg et alentours. Chacune d’elle est pensée par un·e artiste, avec pour cette première saison Claire Lasne Darcueil, Maxence Vandevelde et moi-même. Les Galas accueilleront chaque année les créations des troupes. Pour accompagner cela, le fonctionnement du service des relations avec les publics a fait peau neuve : plus de catégories de publics, plus de « spécialistes » du champ social ou du champ scolaire, car s’il y a bien une chose que m’ont apprise les histoires et les récits, c’est que nous sommes fait·es de tant de réalités – sociale, géographique, culturelle – qu’il est impossible pour nous de ne pas vous rencontrer à 360 degrés. Désormais, nous travaillons donc par territoire.

Stand-up et pop culture : pour une égalité d’estime

Si je crois profondément que penser la création et la réception en même temps va nous permettre de réinventer un modèle pour le théâtre public – et nous forcer ainsi à changer nos postures et nos points de vue pour en libérer de nouveaux –, je crois aussi qu’il est grand temps que nos théâtres soient des lieux d’égalité. D’égalité d’estime. Je n’ai pas peur du mainstream, de la pop culture, je n’ai pas peur du présent. Pour moi, c’est aussi ce qui fait socle, culture commune, ce qui nous tient ensemble. Cette culture commune, la création peut s’en détacher, parfois de manière radicale, mais elle sait aussi la célébrer. Je pense par exemple au stand-up qui sera programmé en tant que forme esthétique majeure et courant d’écriture en soi qui influence et nourrit les formes théâtrales. Le spectacle d’Éric Feldman On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie en est un exemple. Il y a aura aussi un temps fort en fin de saison que nous nommons «Le TnS Comedy Club» qui verra sur nos planches le meilleur du stand-up français avec, en point d’orgue, une invitation à Fary et sa maison Madame Sarfati. Je pense aussi au cinéma, à la série et au champ de l’audiovisuel auxquels le TnS et son école s’ouvrent enfin. Dès cette saison, nous nous emparons du cinéma et de l’audiovisuel comme l’un des moyens d’exprimer et de prolonger les grands axes de notre projet. Nos élèves seront amené·es à réaliser des court métrages, je créerai une série née du spectacle LACRIMA, nous soutiendrons les artistes dont les écritures creusent des chemins esthétiques mêlant ces deux arts qui ont en commun le langage et l’image. À l’automne 2025, nous dévoilerons un format de spectacle jamais vu à Strasbourg et dans nos théâtres publics, entre pièce de théâtre et série, à égalité.

Qui fait battre le cœur du TnS?

C’est vous le public, ce sont les équipes du TnS. C’est aussi son école supérieure d’art dramatique et les 53 jeunes artistes en formation qui habitent en permanence notre théâtre. Nous voulons que dans notre école, chaque jeune artiste puisse reconnaître ses goûts et découvrir ce qu’iel ne sait pas encore aimer follement. Acteur·rices, scénographes, metteur·ses en scène, régisseur·ses-créateur·rices, costumier·ères, dramaturges, iels se destinent à une vie de création. Et ce sont elleux qui pensent le théâtre de demain. Même si nous n’attendrons pas demain pour que les choses se cherchent dans notre théâtre.

Nous souhaitons d’abord créer des liens forts et permanents entre les sections en inventant des espaces et des moments de travail transversaux. L’École du TnS forme en même temps à tous les métiers du spectacle vivant, c’est notre atout, c’est leur chance, et il faut pousser tous les curseurs de la transversalité ! Les études, c’est le temps où l’on cherche comment chercher, où on se trouve, où on se forge des convictions en ayant le droit de changer d’avis le lendemain, où on soulève des questions immenses et complexes. Je souhaite que nous leur offrions ce temps. Mais dans un même mouvement, je souhaite aussi que le TnS leur apporte un vrai accompagnement financier en repensant les moyens de production alloués aux créations de nos élèves. Les créations de l’école seront portées comme des créations à part entière du théâtre – à Strasbourg et en tournée – embrassant la mission de service public qui doit être totalement partagée entre le théâtre et l’école. Cette saison, vous pourrez notamment découvrir les créations de nos élèves metteuses en scène Sarah Cohen et Elsa Revcolevschi, ainsi que la création du Groupe 48, Les Indésirables (titre provisoire) de Marvin M’toumo. L’autre force de notre théâtre-école, ce sont les récits qui se racontent dans la programmation du théâtre. Dans l’école que nous défendons, nous allons multiplier les rencontres avec les artistes, les différents univers artistiques, une grande pluralité de formes esthétiques et de manières de produire. Théâtre, performance, court métrage, radio, danse, mode : dans une égalité d’estime assumée et revendiquée, nos élèves traverseront une multitude de courants et de façons de créer. Dans les prochaines saisons, les élèves de 2e année travailleront sous forme de laboratoire avec un·e artiste invité·e – cette saison nous aurons la joie de convier Marlène Saldana. À cette école de création et des récits, nous ajoutons une autre dimension à leur formation : l’altérité ! Oui, l’École du TnS sera une école de l’altérité où les élèves se rassemblent pour penser, débattre, échanger à l’occasion de temps forts avec le public comme Envisager la nuit où penseur·ses, philosophes, artistes choisissent de poser et de penser les questions qui fâchent la culture de nuit, entre 23h et 7h du matin. L’école va nous permettre d’aller plus loin dans cette hospitalité de la pensée que je veux encourager partout dans le théâtre, y compris en favorisant les avis contradictoires. Je ne veux pas d’une école de la pensée unique mais une école où l’on peut poser des questions denses, complexes, pour envisager demain. Enfin, dans cette recherche d’altérité, nous ferons tout pour poursuivre le travail d’ouverture des profils qui intègrent notre école. Et pas seulement pour les élèves acteur·rices ! Il faut que demain nos dramaturges, metteur·ses en scène, scénographes, costumier·ères, créateur·rices son, lumière ou vidéo viennent de tous les horizons sociaux et géographiques. Et ce dès le prochain concours pour le Groupe 50 dont les inscriptions ouvriront à l’automne.

Vous nous inspirez

Ce nouvel élan pour le TnS et son école, nous le prenons pour défendre la création théâtrale, les artistes, pour réinventer un modèle de théâtre public. Nous le prenons dans la joie, en partageant au maximum notre institution, ses moyens de production et ses espaces, avec les artistes, avec vous. Ici nous célébrerons la possibilité d’être ensemble, et ce sera la promesse d’une fête.C’est ce qui guidera notre saison. Nous avons donc passé commande à la photographe Silina Syan qui a demandé à plusieurs communautés de Strasbourg de poser pour elle un jour de fête ! En T-shirt, ou dans vos plus beaux habits, le jour d’une fête foraine ou d’une prière au temple, vous voici avec nous et vous nous inspirez. Caroline Guiela Nguyen Directrice du TnS et de son école

Caroline Guiela Nguyen
Directrice du TnS et de son école

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