Edito
C’est le lieu primordial. Celui où nous fûmes. Dans l’indistinction du brasier de la terre. Celui des entrailles nourricières du feu et des flammes, celui du surgissement de la lave dans la violence de la séparation. Et de
la naissance.
Doucement, élans, échos, et vibrations stimulent le battement du presque vivant. La pulsion de vie – plus forte que l’obscur, revendique sa place. Le vivant, ce petit quelque chose issu de rien ne peut être que
vulnérable, passager.
Les artistes nous engagent sur la voie d’une mémoire profonde. Poèmes visuels ou sonores, danses de la matière et des mots, rituels des éléments convoqués sur la scène du théâtre. Les silences se mettent à parler, les espaces-plis s’ouvrent.
Cette mémoire intime que le réel n’ose plus considérer, terrée sous une croûte de certitudes et d’inattentions, est convoquée par les artistes dans la sensibilité à la matière et la simplicité de leurs gestes. Marcher
sur un fil ou le tirer, animer les éléments, faire fructifier l’interdépendance des choses. La manifestation des écarts et des attractions inspirent les imaginaires grâce au jeu des relations.
Le Centre Dramatique National puise sa force dans la vitalité de ces artistes qui y séjournent, travaillent, créent des formes toujours renouvelées.
Un théâtre comme un organisme qui ne cesse de se développer, se régénérer, s’inventer au contact des questions de son époque. Les phénomènes vitaux y sont mis en scène pour nous rappeler la beauté de la fragilité et des dissidences, contre la conformité et l’attendu.
L’expérience du sensible concerne toutes les générations, et les façons d’aborder la représentation du monde sont multiples et inépuisables.
Soyez toujours les bienvenu·e·s à côtoyer ce qui avive nos désirs et notre acuité.
Ce CDN vivant passe de mains en mains de celles et ceux qui l’animent.
Les mouvements des équipes en assurent la vigueur. Et le moment est venu à mon tour de passer le relais d’une aventure à prolonger, bifurquer, propager par d’autres.
Parmi toutes et tous – équipe, artistes, public, partenaires, chacun·e a contribué à faire naître ces intenses et exaltantes années de recherches, de partages et de joies, ce formidable goût pour les lisières du non
répertorié.
Le mouvement de ce qui advient nous met déjà en relation. Un début.
Une étendue.
RENAUD HERBIN